Mes cheveux décolorés me portent sur scène
Alice, 32 ans, est musicienne, professeure de violoncelle et membre du quatuor à cordes « Métamorphoses ». Premier prix au Conservatoire de Boulogne-Billancourt, elle a été admise au Royal College of Music à Londres et a suivi des stages avec les plus grands. Sa passion, c’est la musique de chambre, mais aussi vibrer sur scène, rencontrer son public. Avec sa coupe hérisson et son blond décoloré, le look d’Alice saute aux yeux dans le milieu de la musique classique. On la remarque pendant les concerts, on se souvient d’elle, et c’est un peu devenu sa marque de fabrique. Elle nous raconte son parcours pas si classique que ça et comment sa nouvelle coupe lui a donné une tout autre confiance en elle… et plus de résonance.
Comment le violoncelle est-il entré dans votre vie ?
Je suis la dernière d’une fratrie de quatre enfants, tout le monde faisait un peu de musique. À 4 ans, j'ai assisté à un concert avec ma famille et j’ai flashé sur le violoncelle. J’ai adoré le timbre, le son m’a énormément parlé. Je suis tombée amoureuse de l’instrument. J’ai commencé les cours à 6 ans et demi, et ça a été tout de suite une évidence : j’en ferai mon métier.
Vous avez toujours joué du classique ?
J’ai exploré les nombreuses facettes du spectacle vivant avec l’improvisation libre de l’ensemble Amalgammes et le groupe de rock Najar. J’ai adoré ce mélange avec le violoncelle. Cette expérience incroyable a duré un an. Je sentais bien au départ que mon look n’allait pas forcément avec l’univers rock, c’est aussi ce qui m’a donné envie de changer de tête.
Moi, j’ai toujours eu les cheveux courts. Très courts. Quand j’étais ado, je portais de gros baggies, j’étais plutôt garçon manqué. J’ai toujours été un peu rebelle. Mais je sentais que je pouvais pousser le curseur un peu plus loin.
Les cheveux courts m’allaient bien, mais ça manquait de peps, d’énergie. Je voulais de la vivacité.
Quel a été le déclic pour votre première décoloration ?
J’hésitais. Depuis longtemps, je n’aimais pas trop ma couleur naturelle, que je trouvais fade. Je suis passée par plein de têtes différentes, notamment le roux, quand j’étais plus jeune. Mais ça manquait de peps, d’énergie. Le vrai déclic, c’était il y a quatre ans, en rentrant de vacances d’été durant lesquelles j’avais tenté des mèches blondes. Je suis tombée sur l’affiche de Jeanne Added, qui avait les cheveux complètement décolorés. Ça a été la révélation. J’aimais beaucoup l’idée que ce soit complètement blanc. J’avais aussi en tête les looks de Katy Perry ou Marilyn Monroe qui m’avaient beaucoup marquée. Du coup, j’ai osé la décoloration totale, et ce nouveau style m'a tout de suite plu. C’était le début d’une transformation progressive, d'une métamorphose de mon identité même de musicienne.
Comment le public a-t-il réagi face à vos cheveux décolorés ?
Les gens disent toujours, pour commencer, qu’ils ont bien aimé la musique. Après, il y a toujours ce petit mot en plus, qui dit : « Oh, et votre chevelure, le blanc, avec les lumières, ça vous donne une aura exceptionnelle ! » Les spectateurs, tout comme les programmateurs, se souviennent de moi grâce à la singularité de cette coloration. À la base, je l’avais faite pour moi, pour me sentir plus belle et mieux dans mes baskets. Mais finalement, ça a aussi changé le regard des autres et appuyé l’identité de notre quatuor : jeune, dynamique, fraîche et… un peu rock.
Métamorphoses, qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Avec les autres membres du quatuor, nous vouons une passion aux Métamorphoses d’Ovide. C’est ce qui nous a poussés à choisir ce nom. Et puis c’est une belle image, qui a inspiré beaucoup d’artistes. C’est aussi le sens du travail de notre quatuor. Dans notre ensemble, il n’y a pas de chef pour diriger. C’est à nous de faire des choix d’interprétation et d’argumenter, chacun à son tour, afin de construire petit à petit notre propre jeu.
À force de vivre à quatre, de tourner ensemble, de manger ensemble, de monter sur scène ensemble, on tend à une métamorphose progressive et infinie de quatre individualités vers un univers qui leur est propre, comme si on était une seule personne à jouer. On recrée une entité.
Et vous, votre métamorphose ?
Ça a été très évident. J’ai l’impression d’avoir grandi. J’étais en recherche de moi-même. Et cette couleur m’a un peu transformée.
Et à partir de là, ça a été une transformation progressive, une métamorphose de mon identité même de musicienne.